« Zamai mo ti atan ki mo zenfan pu vinn kumsa. Enn sel cou tou inn fini ! » C’est Soopaya, la mère de Diana qui m’accueille. Elle pleure et quand ses larmes cessent de couler, sa voix tremble. Nostalgique, elle me montre les photos de ‘graduation’ de sa fille. Diana et sa sœur jumelle ont toutes les deux étudié en Afrique du Sud et ont eu leurs diplômes le même jour.
« Regardez, regardez comment mon enfant était bien, belle. Qui aurait cru qu’elle allait être paralysée ? Personne ne l’aurait cru. »
Quand Diana retourne de l’Afrique du Sud, elle a les yeux braqués sur l’avenir. Elle travaille dans les ressources humaines à Ebène, elle conduit et emmène sa mère partout, elle s’occupe de la maison :
« Elle était plus qu’un fils ! Elle pouvait tout faire ; chercher un ouvrier, s’occuper de la maison… Je ne sortais jamais seule… Mo bizin aste enn zafer, mo bizin al bazar… li amen mwa… »
Une jeune femme heureuse, des parents heureux. Puis en 2001, les choses basculent. C’est un 25 décembre. Diana, enthousiaste, prépare tout pour la fête de Noël. Depuis quelques jours, elle affirme être un peu stressée à cause de son travail mais elle va bien, elle se vaque à ses occupations pour la Noël. Tout à coup, elle a terriblement mal à la tête, elle ne voit plus rien et elle tombe. Les parents s’affolent, ils sortent demander de l’aide, les voisins conduisent Diana à la clinique. Pendant que les autres célèbrent la Noël, les Veeramootoo passent la nuit au chevet de leur fille. De cette clinique, Diana est transférée à une autre clinique. Là-bas, le médecin est catégorique ; il faut l’opérer d’urgence, sinon elle risque de ne pas survivre.
L’opération se fait, Diana est sauvée mais le médecin explique qu'elle a fait un AVC et qu' une artère dans l’hémisphère droit de son cerveau s’est rompue. Elle perd l’usage de son bras et pied gauche. Tout change. Elle arrête de travailler, elle donne la voiture à sa sœur. Le travail, la voiture, l’usage d’un bras et d’une jambe, l’autonomie… tant de choses auxquelles elle doit renoncer. Elle redevient enfant. Petit à petit, ses parents et elle s’habituent à cette nouvelle vie mais le pire reste à venir. En mai l’année qui suit, elle fait une deuxième crise.
« Après cette deuxième crise, elle ne voyait plus, elle n’arrivait plus à parler correctement. Même maintenant, elle ne se souvient que de quelques noms. Parfois elle m’appelle durant la nuit pour me demander du café. Mais elle n’arrive pas à dire ‘café’. Je lui demande ‘du lait ? de l’eau ? du café ?’ Quand je dis ‘café’ elle fera un signe de tête ou sourira. Je dois interpréter ses gestes. Parfois mon enfant a besoin de moi, elle crie mais je ne comprends pas ce qu’elle veut dire. C’est dur. »
Lorsque Diana perd la vue, ce sont aussi les parents qui basculent dans le noir. Ils vont tout faire pour elle ; des allers-retours chez le médecin, des séances de physiothérapie… Depuis peu, elle fait aussi des exercices dans un centre à Quatre-Bornes :
« Là où elle fait ses exercices, les gens font des prières pour elle, ils sont d’une religion différente mais ce n’est pas grave. Bon Dieu enn sel non ? »
La foi en Dieu. Voilà ce qui pousse Soopaya à avancer. Elle avance par amour pour sa fille aussi. Mais c’est difficile, physiquement (parce qu’elle est elle-même vieille et épuisée), moralement et financièrement. Ils dépensent Rs. 3000 pour des médicaments qui durent moins d’un mois. Puis il y a les couches, les sessions de physio, le salaire de la garde malade qui s’occupe d’elle… Ils perçoivent une pension d’environ Rs 7000 de la sécurité sociale, ils en sont reconnaissants mais cela ne suffit pas. Et puis, donner une pension suffit-il ? Qu’en est-il de l’apprentissage que doivent faire les proches pour bien s’occuper d’un autrement capable ? Qu’en est-il de la rééducation de la personne ? Qu’en est-il du soutien psychologique dont ont besoin ces parents ? Le père de Diana aura bientôt 94 ans. Qu’adviendra-t-il de Diana lorsque ses parents ne seront plus là ?
Pushpa Lallah est une voisine, c’est elle qui a transporté Diana à la clinique en ce 25 décembre fatidique. Elle propose de trouver de vraies solutions :
« Ceci n’est pas un cas isolé. Beaucoup de gens se retrouvent dans des situations difficiles. Ces gens-là doivent s’unir. Peut-être créer une organisation qui accueille des personnes comme Diana. Une organisation qui comporte un thérapeute, un psy… Un endroit où ces personnes peuvent vivre lorsque les proches et parents ne sont plus là aussi. Pour cela, tout le monde doit s’y mettre et nous aurons besoin d’un financement de l’état. Il faut chercher des solutions collectives, des gens comme Diana et ses parents ne doivent pas être livrés à eux-mêmes. »
Ceci est un appel. Aux autorités, aux Mauriciens. Diana est une Mauricienne qui a, elle aussi, contribué à l’économie de notre pays avant d’être malgré elle, paralysée. Ses parents, vieux et épuisés, s’occupent d’elle sans se plaindre. Une histoire de persévérance qui mérite d’être partagée. Une histoire qui, nous l'espérons, touchera et fera réagir plus d’un.