Septembre 2016. Hema est une fonceuse. Une petite femme aux grandes ambitions. Femme timide qui s’est transformée en femme indépendante et courageuse après son divorce. Mère de deux enfants, travaillant comme enseignante et aidant aussi sa sœur dans une petite entreprise de catering, elle court dans tous les sens afin de préserver son autonomie et donner une bonne vie à ses enfants. Jusqu’à ce qu’elle apprend qu’elle souffre d’un cancer au sein.
Là, tout s’arrête, tout se brouille. Le diagnostic tombe et les nuits sans sommeil s’ensuivent. Sa plus grande préoccupation ; qu’adviendrait-il de ses enfants si elle meurt ? Telle un zombie, elle suit son traitement et se prépare pour la chirurgie. Elle tâche d’être forte, elle affiche le sourire mais elle a peur, très peur :
« Le plus difficile, c’est de n’avoir personne à qui parler. Au début je n’ai rien dit à mes enfants. Puis j’ai dû annoncer la nouvelle en faisant très très attention. Ma fille avait 11 ans et mon fils 17. Il fallait les rassurer. Même si je tremblais de peur, je devais leur dire que maman va bien et qu’elle allait guérir. »
Elle avance avec incertitude, elle avance dans le noir. Les cellules cancéreuses ont déjà commencé à se propager ; elle ne sait pas à quoi s’attendre. Elle refoule la frayeur et essaie de ne penser à rien. Elle fait juste le nécessaire. Vivre : c’est tout ce qui compte. Elle est opérée. Elle commence la chimio et la radio. Il y a la souffrance physique, il y a le supplice mental mais elle n'y prend pas attention.
Elle doit faire la chimio pendant deux mois. Puis, il y a aussi les séances de radiothérapie. Les jours commencent à se ressembler. Jusqu’à ce qu’elle rencontre Sanjeev (prénom fictif).
« Sa sœur avait aussi subi une ablation du sein. Il l’avait accompagnée pour une séance de chimiothérapie. Au fait, il y avait eu une confusion avec nos heures de rendez-vous. J’étais fâchée et Sanjeev m’a dit que ça va, que je pouvais passer avant (rires). »
Finalement, ce jour là, une amitié se tisse. Sanjeev revient à l’hôpital à plusieurs reprises. Des fois pour accompagner sa sœur, d’autres fois juste pour voir Hema. Petit à petit elle se confie. Finalement, elle peut se lâcher. Jadis, elle pleurait seule dans un grand lit, maintenant elle peut pleurer sur l’épaule de quelqu’un.
« Oui j’ai toujours dû être une femme forte devant mes enfants et les autres mais ça me faisait un bien fou de finalement pouvoir partager mes frayeurs avec quelqu’un. Sa sœur avait vécu la même chose alors il comprenait. Il m’écoutait, me rassurait. Il m’appelait le soir parce qu’il savait que j’étais anxieuse à cette heure-là, il cuisinait lui-même des petits plats qu’il m’apportait… »
Elle lui montre sa fragilité, il l’accepte comme elle est. Elle a perdu un sein, elle perd aussi les cheveux, il la trouve toujours belle. Le va et vient à l’hôpital n’est plus un supplice. Elle n’avance plus dans le noir et l’incertitude. Maintenant, un homme lui tient la main. Evidemment, c’est toujours difficile, très difficile.
« Cette période où je faisais la chimio et la radio était la période la plus douloureuse de toute ma vie. Je n’avais presque pas de force, je vomissais tout le temps, j’avais constamment mal à la tête. Je me sentais tellement impuissante. Mais au moins il était là à me soutenir. Je vous le jure, parfois j’étais si faible que je croyais ne pas pouvoir tenir le coup. Mais lui croyait en moi. A chaque fois il me disait qu’il me trouvait forte, qu’il admirait ma persévérance… »
C’est une relation qu’ils ne peuvent pas encore définir. Il s’agit tout simplement d’une amitié un peu spéciale. Après la trentaine de séances de radio, il l’accompagne toujours pour les check up à l’hôpital. Petit à petit, les choses s’arrangent. Elle retrouve ses forces et la guérison. C’est là qu’il lui avoue son amour.
« Je ne sais pas ce qui m’a pris, j’ai refusé au début (rires). Au fait il est plus jeune ; il y a 8 ans de différence entre nous. Il était célibataire, il avait toute une vie devant lui. Et regardez-moi, divorcée, sans un sein… J’étais sûre qu’il allait se lasser de moi… D’ailleurs même s’il se lassait, je n’allais pas me plaindre. Je suis reconnaissante pour tout le soutien qu’il m’a apporté ; quelle chance qu’il soit apparu dans ma vie à cette instant ! Depuis, ma foi en Dieu s’est intensifiée. Je sais que c’est Dieu qui me l’a envoyé… »
L’univers a ses desseins. Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve, disait Hubert Reeves. Là où il y a la souffrance se trouve aussi l’apaisement, vous dira Hema. Même si l’avenir est toujours teinté d’un peu d’incertitude, Hema dit merci chaque jour ; pour cette nouvelle vie, pour sa guérison et pour cet homme qui lui a tendu la main durant les moments difficiles :
« Mon fils de 18 ans ne voit pas la relation d’un bon œil. Les proches non plus. Surtout à cause de la différence d’âge. Mais vu que j’ai frôlé la mort, il y a une certaine insouciance (rires). Nu guete ki arive. Je trouverai un moyen de convaincre mon fils. Mais je suis si contente d’avoir trouvé Sanjeev. »