Le baclofène est un relaxant musculaire dont les effets sont bien connus et prescrit par les neurologues depuis 1974. Mais l’utilisation de ce vieux médicament générique a déclenché une polémique médicale mondiale, loin d’être éteinte. En septembre 2016, à Berlin, trois études européennes sur quatre présentées au congrès mondial de l'alcoologie, ont confirmé ce que beaucoup de patients racontent : le baclofène aide à réduire sa consommation d’alcool.
«Les taux de succès sont constants: le baclofène est efficace sur deux tiers des patients»
L’une de ces études démontre que, grâce à sa prescription, près de 6 personnes sur 10 diminuent leur consommation. Renaud de Beaurepaire, psychiatre à Villejuif, avance, à cette occasion : « «Le baclofène est efficace sur environ deux tiers des patients. On n’a jamais eu de tels résultats avec les autres traitements ». Lui, prescrit du baclofène depuis 2006 à ses patients souffrant d’alcoolisme et regrette que l’efficacité du médicament n’ait pas été révélée plus tôt, jugeant même, d’un point de vue moral «irresponsable d'attendre dix ans pour traiter des patients en train de se détruire». Il reconnait cependant que, d’un point de vue réglementaire, l’étude était nécessaire.
En effet, de nombreux anciens alcooliques témoignaient de leur guérison sur les forums des réseaux sociaux. Des milliers de personnes racontaient comment ils ont pu réduire leur consommation d’alcool, décrivant en détail les effets du baclofène. «Des milliers de témoignages! La parole des malades est ce qui compte le plus», ...c'est une véritable expertise»
Affolés par l’ampleur du mouvement, les autorités françaises ont lancé une étude pour encadrer la prescription de ce médicament. Concrètement, grâce à l'obtention d'une recommandation temporaire d'utilisation (RTU), les médecins disposaient désormais d'un cadre réglementaire pour le prescrire dans le traitement de la maladie alcoolique.
«La pharmacovigilance autour de cette molécule existe depuis quarante-deux ans »
On s'interroge, alors, sur les raisons qui font que ce médicament qui marche extraordinairement bien sur cette maladie mortelle qu’est l'alcoolisme, soit l'objet d'une telle réticence de la part des médecins. Car malgré les résultats des plus encourageants des études dévoilées à Berlin, la question des effets secondaires demeure préoccupante pour certains médecins. «On a tellement diabolisé les effets indésirables du baclofène que l’Ansm (l’Agence du médicament) a pris peur. On lui a fait peur. Alors que la pharmacovigilance autour de cette molécule existe depuis quarante-deux ans !» nous explique Renaud de Beaurepaire
Parmi les effets indésirables les plus graves du baclofène on cite souvent le suicide. Faux, estime le psychiatre : « N’oubliez pas que les alcooliques ont 100 fois plus d’idées suicidaires que la population générale. Ce n’est pas la baclofène qui donne des idées suicidaires, c’est l’alcoolisme !»
«Il faut un engagement très fort du médecin et du malade»
Les résultats des études présentés au congrès mondial de l'alcoologie à Berlin permettront de déterminer la commercialisation du baclofène et de délivrer son autorisation de mise sur le marché (Amm) dès 2017. Renaud de Beaurepaire précise qu’il est important que ce médicament soit prescrit par tous les médecins, les généralistes comme les spécialistes en addictologie et qu’une campagne d'information et de formation soit organisée. Notamment pour ceux qui ne le prescrivent pas ou ne savent pas le prescrire correctement.
«Il est important d’être très proche du patient lors de la conduite du traitement, en particulier lorsque apparaissent des effets indésirables. Cela demande du temps. Il faut un engagement très fort du médecin et du malade. Ce n’est pas comme prescrire des antibiotiques !»
Si vous souffrez d'alcoolisme ou avez un proche qui a besoin d'aide, vous pouvez aussi vous rendre sur le forum de l'association Baclofène où vous trouverez plus de renseignements et l'aide nécessaire.