Luc Hermann et Gilles Bovon, journalistes indépendants et producteurs de la société Premières Lignes souhaitaient comprendre les clés du succès phénoménal de la société Starbucks. Ils ont ainsi réalisé un documentaire « Starbucks sans filtre », diffusé le 28 août 2019 sur la chaine Arte dans lequel sont révélés les dessous peu reluisant de cette entreprise qui véhicule pourtant un discours de «responsabilité sociale» très écolo.
Une recette marketing qui fait la notoriété de la marque
Présente dans plus de 75 pays avec pas loin de 28 000 enseignes employant 350 000 personnes, Starbucks est un empire qui écrase ses concurrents, même en Chine où une nouvelle boutique est ouverte toutes les 15 heures ! Crée en 1971 à Seattle, c’est en 1986 que le nouveau PDG de l’entreprise, Howard Schulz (déjà directeur marketing depuis 1981) accompli un tour de force : transformer une boisson des plus banales, du café, en potion magique vendue à prix d’or ; le tout avec une recette marketing qui a fait la notoriété de la marque : langage réservé à un cercle d’initiés (café latte ou gobelet « tall » - le plus petit des gobelets - puis « venti » et « grande »), personnalisation du client (prénom du client lancé à la cantonade) et 89 000 combinaisons possibles pour les boissons.
Des méthodes pas vraiment écolos
Une association britannique, Action on sugar avait alerté les consommateurs contre les boissons proposés par Starbucks et pouvant contenir jusqu’à 99 grammes de sucre, soit une dose quotidienne quatre fois supérieure à celle recommandée pour un adulte selon l’Organisation mondiale de la santé. D’autre part, afin de cibler encore plus large, notamment les adeptes de sodas, l’entreprise a crée de nouveaux produits saturés en sucres, riches en graisse, en crème, en sirop et nappage de toutes sortes.
D’autre part, le documentaire donne aussi un aperçu bien sombre des conditions de travail de ceux que la firme ose appeler ses « partenaires ». Salaire minimum, horaires instables, stress, grosse fatigue physique, un tiers du temps consacré au ménage, équipés de chronomètres, les «partenaires» sont en fait des employés à tout faire.
Une entreprise pas si «verte »
Un tel empire, a une énorme responsabilité face aux enjeux écologiques. Starbucks d’ailleurs la revendique affirmant être conscient de l’empreinte environnementale de l’entreprise.
Selon les journalistes, la société affiche un côté très écolo avec ses produits présentés comme étant à 99% issus du commerce équitable. Pour autant, Starbucks ne se conforme à aucun label national ou international existant, la société a crée son propre label. Résultat : ce café ne peut pas être certifié commerce équitable ! C’est ce que l’on appelle « greenwashing» ou le fait de laver son image avec de fausses démarches écologiques ou équitables.
D’autre part, combien de consommateurs de latte savent-ils que leur gobelet en papier n'est pas recyclable et qu'il finira probablement à la poubelle ? Starbucks n'a pas respecté l'engagement ambitieux pris en 2008 de rendre 25% de ses gobelets réutilisables d'ici à 2015. Que s'est-il passé? En 2011, l'entreprise n'avait augmenté que de 1,9% son pourcentage de gobelets réutilisables. Voyant l'objectif irréaliste, Starbucks a récemment promis de doubler son utilisation de gobelets réutilisables d'ici 2022. Enfin... peut-être car la firme garde l’œil rivé sur les cours de la Bourse. Bon nombre des choix de développement durable d’une entreprise dépendent malheureusement de l’argent et donc de la rentabilité qui ne doit jamais s'arrêter.
Cette course permanente à la rentabilité dans le monde entier avec des employés sous pression, ce cynisme sous un masque de bons sentiments, ces engagements pour la planète alors que ses gobelets ne sont pas recyclables et ces produits fast-food vendus comme du haut de gamme ont valu à Starbucks une lourde amende par la Commission européenne en 2015 pour concurrence déloyale. Comme le disent Luc Hermann et Gilles Bovon : « Starbucks, ou comment des illusionnistes géniaux ont bâti un empire».