Une étude étalée sur 14 ans
Pour cette étude, les chercheurs ont analysé des données provenant de sondages téléphoniques menés de 2001 à 2015. Ces données ont été recueillies auprès d'un échantillon représentatif de plus de 6 000 couples hétérosexuels vivant aux États-Unis. Parmi ces couples, 88 % des hommes et 74 % des femmes, avaient un emploi (régulier ou temporaire). Les autres étaient des retraités ou sans emploi. Le sondage comprenait des questions sur les revenus individuels et familiaux, le niveau d’éducation, leur situation professionnelle et leur niveau de détresse psychologique. Les niveaux de stress, quant à eux, étaient calculés en fonction du sentiment de tristesse, d'anxiété, d'agitation, de désespoir et de dévalorisation.
Plus la dépendance financière est grande, plus fort est le stress
Les résultats de l’étude ont montré que les hommes sont plus heureux lorsque les deux partenaires contribuent financièrement au frais du ménage. Mais ils préfèrent de loin être les principaux soutiens de famille. Tant que les femmes contribuent à 40 % des dépenses, tout va bien. Mais dès que ce chiffre augmente, les hommes commencent à se sentir mal à l'aise. La relation est directement proportionnelle : plus la dépendance financière est grande, plus le niveau des troubles psychologiques augmente. Et le plus stressant pour eux c’est d’être en situation de dépendance financière totale vis-à-vis de leur conjointe.
L'idée de masculinité
L’une des explications vient probablement de la persistance d'une culture patriarcale dans la société. Depuis des générations, dans de nombreuses cultures, on s'attend à ce que l'homme soit le principal soutien de famille. C'est lui qui «doit» apporter l’argent du ménage. «Et la masculinité est fortement liée à la satisfaction de cette attente», explique Joanna Syrda, l'universitaire chargée de la recherche.
Le déséquilibre des pouvoirs
Une autre explication va au-delà de la question du genre. Elle met en évidence le déséquilibre de pouvoir qui peut être généré dans toute relation lorsque l'un des partenaires a un revenu plus élevé. On retrouve notamment ce déséquilibre dans les décisions relatives aux dépenses quotidiennes, aux différents projets à mener et aux grandes décisions à prendre. Les partenaires peuvent avoir des points de vue différents. Or, généralement, les décisions finales reviennent à la personne qui gagne le plus. L’autre se sent dévalorisée ce qui peut mener à une détérioration de la relation dans le couple.
Chaque règle a une exception
Il existe quand même une exception à cette relation directe entre le stress des hommes et leur contribution à l'économie domestique du couple. Si les hommes se marient avec des femmes qui ont toujours gagné plus qu'eux, ils ne se sentent pas stressés par l'écart de revenu. Le sachant dès le départ, ils sont psychologiquement plus à l'aise.
«Les gens ne choisissent pas leurs partenaires au hasard, donc si la femme avait un revenu plus élevé avant le mariage, alors l'écart de revenu potentiel était déjà clair pour l'homme - peut-être même une raison de former un couple», explique Joanna Syrda.
Cela implique fortement que certains hommes sont parfaitement à l'aise avec l'idée d'avoir une conjointe ou une partenaire «soutien de famille» dans une relation.
Vers une évolution possible ?
Nous avons encore un long chemin à parcourir avant que les hommes et les femmes soient véritablement égaux dans la société. Même si ce problème n’est pas près de disparaitre, les choses évoluent. Les chiffres du Pew Research Centre aux États-Unis montrent que seulement 13 % des femmes mariées gagnaient plus que leur mari en 1980. En 2000, ce chiffre était de 25 % et, en 2017, il passait à 31 %.
C’est évidemment très encourageant. Mais, les chercheurs se demandent comment cette évolution va influencer la vision de la place de l’homme au sein de son couple et de la société. Ils ont remarqué qu'il y avait certaines divergences entre les évaluations des épouses sur le niveau de stress de leur mari et le stress déclaré par le mari lui-même. Cela suggère que de nombreux maris ne communiquent pas leur véritable niveau de stress. Et la preuve peut-être que la norme sociale traditionnelle pèse encore bien lourd...
Les résultats de cette étude ont été publiés dans Personality and Social Psychology Bulletin