Cindy a 39 ans. Enceinte de son fils unique, il y a neuf ans, l’alcool était son compagnon de tous les jours. ‘ Je n’arrivais pas à m’en passer. Il me fallait ma dose quotidienne’, avoue-t-elle. L’état de manque l’a même poussée à filer en douce du domicile conjugal ou encore de l’hôpital où elle subissait une cure de désintoxication, afin de se procurer l’alcool pour calmer son craving - mot anglais désignant "l'envie irrépressible de consommer la substance"
Il faut dire que l’alcoolisme féminin, il y a encore quelques années, était un sujet tabou. Si la société considère que boire est un symbole de virilité pour les hommes, une femme qui boit, est généralement très mal perçue. Encore plus lorsque celle-ci porte en elle la vie. Enceinte, Cindy a été maintes fois surprise à boire en cachette. Elle trouve dans l’alcool, un réconfort qui lui permettait de relâcher la pression face à des difficultés et d’oublier ses problèmes de couple.
Mais son addiction n’a pas été sans conséquences sur l’enfant qu’elle attendait.
‘ Mon fils, Joachim (nom fictif) est né avec un poids nettement inférieur que ceux des autres nourrissons. Il avait des problèmes de peau et les yeux larmoyants.’ Le petit Joachim est né également avec des tremblements. Des tremblements non pas liés aux effets d’un manque d’alcool, mais dus à une atteinte au lobe frontal. Selon ses médecins, ces tremblements persisteront jusqu'à l’âge adulte.
Son fils, scolarisé aujourd’hui dans une des écoles de l’APEIM (Association de Parents d’Enfants Inadaptés de l’Île Maurice), est qualifié d’enfant hyperactif, présentant des troubles au niveau de l’apprentissage et de l’attention. Joachim manifeste également des problèmes comportementaux avec des difficultés à juger entre ce qui est bon ou mauvais. Ce qui le pousse bien souvent à faire des choses irraisonnées qui peuvent parfois mettre sa vie en danger. L’alcoolisme de sa mère a eu en effet pour dommages collatéraux, des atteintes cérébrales, qui sont à l’origine de son retard mental et intellectuel.
Sunita, elle, a cinq enfants. L’alcool s’est installé de façon importante au cours de son existence et durant ses grossesses. Alors que trois de ses enfants sont en bonne santé, la troisième et la dernière de la fratrie, est touchée par le Syndrome d’Alcoolisation Fœtale (SAF).
La toute dernière des enfants de Sunita, aujourd’hui âgée de cinq ans, est née avec des lésions cérébrales importantes et la tête plus petite que la normale. La petite présentait dès sa venue au monde, des traits spécifiques aux enfants atteints du SAF: visage déformé, oreilles décalées, la lèvre supérieure très fine et les yeux largement espacés. Elle présente aussi un déficit du comportement. Son troisième enfant qui atteindra bientôt sa majorité, est né quant à lui avec un handicap lourd au niveau des membres et une malformation squelettique. Contrairement aux enfants qui font l’acquisition de la marche vers l’âge d’un an, ce dernier a fait ses premiers pas vers…5-6 ans !
Aujourd’hui, Cindy et Sunita affichent une volonté ferme à se sortir du cercle infernal de l’alcoolisme et tentent de surmonter leur accoutumance à travers un suivi médical et un accompagnement thérapeutique au centre résidentiel de l’ONG Étoile d’ Espérance. Elles y font l’apprentissage d’une nouvelle vie sans substance. Durant ce processus qui s’annonce long, l’une des étapes vers la guérison pour ces mères, consiste à surmonter ce sentiment de culpabilité à l’égard de leurs enfants qui vivent avec les séquelles de leur dépendance à l’alcool.
Durant leur réhabilitation, elles sont effectivement accompagnées par des thérapeutes qui tentent d’apaiser la souffrance de ces mères en leur accordant un espace libre où elles ne sont pas jugées et où elles peuvent surtout s’exprimer dans un groupe de parole et s’entraider.
Car il n’est jamais trop tard pour retrouver un mieux-être et pour bien faire. Cynthia et Sunita ont osé faire le pas. ‘Rompre le silence est une première étape pour dépasser ce sentiment de culpabilité et de honte. Ce n’est pas toujours facile et c’est pourquoi il faut en parler. La dépendance à d’alcool est une vraie maladie et il faut chercher les moyens pour en guérir !’, concluent nos interlocutrices.
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