Lorsqu’il est âgé de seulement 22 ans, Jean est condamné à 6 mois de prison. La cause ? Possession de drogue.
« Je suis tombé dans la drogue tôt. Je viens d’une famille brisée, je vivais avec ma mère. Je me sentais seul, un peu laissé à moi-même. Après, quand on est jeune, on est curieux. On se laisse influencer par des amis. Mais à aucun moment, on n’envisage la prison ».
La prison… Il en a peur, très peur. Lorsqu’il doit y aller, il fond en larmes :
« Je pleurais, mo pa ti pe anvi ale ditou. Je voulais tout faire pour me racheter, pour ne pas y aller… »
À cette époque, il est marié et père d’une fille d’un an. Lorsque sa mère et sa femme doivent venir le voir en prison, il est catégorique : plus jamais de drogue, plus jamais de prison. Il attend impatiemment de sortir et de retrouver sa vie. Mais lorsqu’il sort, tout change : le regard des autres, ses relations… il perd même son emploi.
« Après la prison, ma vie a basculé. Je n’avais plus de travail, les gens me traitaient comme un criminel. Ils disaient ‘e liem sa droguer la, li ti al prizon. Res lwin ar li !’ Ils conseillaient même à leurs enfants de ne pas s’approcher de moi, car je n’étais pas une bonne personne. Tout d’un coup, je me suis senti complètement exclu. C’était dur ».
Se retrouvant seul, sans emploi et désespéré, il se réfugie encore une fois auprès de ses amis drogués. Évidemment, il sombre plus profondément dans l’enfer de la drogue. Deux ans plus tard, lorsqu’il doit retourner en prison, il s’est endurci. Cette fois, il ne pleure pas.
« Personne n’aime aller en prison, mais j’avais commencé à m’habituer à cette vie-là. Je me suis fait des amis. J’ai rencontré des gens qui me soutenaient, j’ai rencontré d’autres, plus méchants, qui essayaient de m’entraîner vers d’autres vices, j’ai aussi rencontré ceux m’ont offert de la drogue… il y a de tout à la prison ».
En prison, il n’est pas protégé de la drogue. Hors de la prison, il est toujours traité comme un prisonnier. Les barreaux semblent le suivre partout.
« C’était comme-ci c’était écrit ‘délinquant’ sur mon front. J’ai compris que ça n’allait pas changer. Donc, même lorsque je sortais de prison, je fréquentais ceux qui étaient à la prison avec moi. Finalement, c’était ça mon cercle social. Je savais que ce n’était pas bien, je voulais m’en sortir, mais je ne savais pas comment. C’était dur ! »
C’était quoi le plus dur ?
« L’attrait de la drogue est déjà fort. Maintenant je devais affronter les critiques. Et je n’avais que des amis drogués. Qu’aurais-je pu faire ? »
La situation s’empire. Sa femme et ses enfants le quittent. Il rencontre une autre femme qui commence elle-même à se droguer. Le cercle vicieux s’intensifie. Il multiplie les va-et-vient à la prison. Il se résigne à son sort. Pourtant, des moments de désespoir, il en a presque tous les jours :
« La vie en prison n’est pas facile. Maltraitance, nourriture parfois dégueulasse … Nous n’avions même pas un lit, juste une espèce de hamac et un petit bout de molton. Des fois, dormant seul dans mon hamac, ayant froid, je me demandais ce que je faisais de ma vie… »
Pourtant, finalement, il arrive à s’en sortir. À 52 ans, il rencontre une femme attentionnée et déterminée. « Cette femme-là m’a fait voir la réalité en face. Linn dir mwa, guet sa! To pu arete wi ou non? Si wi, nou al dan enn sant asterlaem! »
Ils se tournent vers un centre de désintoxication. Il suit son traitement à la lettre. Encore une fois, il fait face à mille contraintes, mais cette fois-ci, il n’abandonne pas.
« Les médicaments étaient trop faibles pour moi. Je me sentais mal. J’ai dû commencer la méthadone ».
N’aviez-vous pas des instants de doute ? La tentation n’était-elle pas là ?
« Ayo wi. Mes amis venaient me voir. Il y a des fois où j’attrapais la seringue et je les piquais. Mais j’ai tenu bon ».
Après 30 ans de lutte et de rechutes, d’où vient cette détermination ?
« Moi-même je ne sais pas. C’est une question de volonté, je pense. Après c’est surtout le soutien de ma compagne. D’autres gens m’avaient demandé d’arrêter avant, mais eux-mêmes n’avaient pas l’air convaincus. Elle, elle n’a pas fait que parler, elle m’a accompagné au centre ».
En lisant ceci, beaucoup diront que c’est de votre faute, que vous auriez pu arrêter plus tôt. Qu’avez-vous à leur répondre ?
« Qu’il est facile de juger. Oui j’ai fait des erreurs. Et croyez-moi, j’en ai bien souffert. Mais lorsque nous sortons de la prison, les gens nous condamnent de nouveau. Arrêtez de nous juger. Souvent, nous ne cherchons qu’un regard compatissant. Surtout si vous connaissez un jeune toxicomane, aidez-le à s’en sortir. Et surtout n’attendez pas qu’il aille en prison ».
Cela fait six ans depuis que vous ne vous droguez plus, vous avez un aussi un travail… Êtes-vous enfin heureux ?
« Oui. Je me sens bien. La prison et la drogue sont derrière moi »
Lorsqu’un individu dit adieu à la prison et à la drogue pour gagner sa vie honnêtement, c’est toute la société qui en profite. Il serait peut-être temps de créer une société qui va au-delà du jugement et de la punition, une société qui encourage l’individu à tourner la page… Parce que la volonté de s’en sortir, beaucoup l’ont. Même s’il s’en est pris un peu tard, Jean a pu voir la lumière au bout du tunnel.
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